Ruptures de Claire Marin

Cet essai de la philosophe Claire Marin est publié aux éditions de l’Observatoire dans la collection « La Relève », et ce symbole est très fort. Dès l’introduction, nous sommes avertis : « notre vie n’est faite que de ruptures ». Et tout de suite, nous sommes apaisés. Certes, la rupture peut être déchirure. « Nous ressentons la douleur de la rupture qui est arrachement (…) Les liens avec les autres et le monde qui nous environnent ne sont jamais si sensibles qu’au moment où nous les perdons, plus exactement au moment où nous sommes arrachés à ceux qui comptent pour nous.

« Nous vivons tous des blessures de la vie, nous traversons des expériences qui nous torturent. Mais nous ne réagissons pas tous de la même manière. Les ruptures sont nôtres, qu’on les décide ou qu’on les subisse ». Rompre avec sa famille, ses amis, son amour, son milieu, changer de métier, partir à la retraite, changer de pays, de langue, être confronté à la maladie…. « Les ruptures nous construisent peut être plus encore que les liens. Notre définition est tout autant dans nos bifurcations que dans nos lignes droites… »

Il est mort, le respect? Merci Haroun

Ah ! le salaire….. Merci Kak

Hors normes : un film qui devrait être sur prescription médicale

Tout est dit dans le titre ! Comment faire entrer dans les “bonnes” cases des personnes qui ne sont pas dans les normes? C’est l’histoire d’un duo de personnes investies qui s’y sont employés, avec leurs équipes, leurs convictions et leur énergie. Ils ont accepté de réfléchir hors des cases pour s’occuper de jeunes autistes présentant des troubles sévères de comportement. Le mot d’inclusion prend ici tout son sens : remettre du lien, de l’humain là où les structures classiques n’ont pas toujours de réponse appropriée. Nous aimerions pouvoir dire, comme le personnage interprété magistralement par Vincent Cassel, “On n’est pas loin !” dans l’inclusion réelle dans notre Société des personnes différentes, sans angélisme sur les difficultés que cela présente. En attendant, allez voir votre médecin pour qu’il vous prescrive une séance de cinéma !

L’humour british sur l’égalité Femme / Homme

No comment…..

Travail, salaire, profits

ARTE propose un cycle d’émissions passionnantes sur Travail, salaire, profits. Magistrale leçon d’économistes, historiens, anthropologues, juristes, historiens de l’économie de tous les continents.

Une réflexion très poussée sur le capitalisme, la subordination dans le salariat, le changement permanent comme vecteur de négation de l’expérience professionnelle, la différence entre travail et emploi, les nouvelles formes du capitalisme avec l’uberisation du monde du travail…

De quoi nourrir notre rapport au travail. Profitez bien !

https://www.youtube.com/watch?v=Dpzv8H16R-Q

Discrimination, différence & Toni Morrison

Dans le prologue de The Bluest eyeL’oeil le plus bleu, Toni Morrison explique les raisons qui l’ont conduite à écrire son premier roman en 1970 sur cette enfant noire qui rêvait d’avoir les yeux bleus. Edifiant….

Comment peut on en arriver à accepter la discrimination, le reget comme légitime, évident…..

« There can’t be anyone, I am sure, who doesn’t know what if feels like to be disliked, even rejected, momentarily or for sustained periods of time. Perhaps, the feeling is merely indifference, mild annoyance, but it may also be hurt. It may even be that some of us know what is like to be actually hated – hated for things we have no control over and cannot changed. When this happens, it is some consolation to know that the disliked or hatred is injustified- that you don’t deserve it. And if you have the emotional strength and/or support from family and friends, the damage is reduced or eraised. We think of it as the stress ( minor or disabling) that is part of life as a human.

When I began writing the bluest eye, I was interesting in something else. Not resistance to the contempt of others, way to diflect it. But the far more tragic and disabling consequences of accepting rejection as legitimate, as self-evident. …”

Merci Toni Morrison

Les gratitudes, Delphine de Vigan

Dans son dernier livre Les gratitudes, Delphine de VIGAN explore les liens invisibles qui nous unissent, les lois sous-terraines qui nous relient les uns aux autres.

Pour l’auteure, la définition la plus juste est celle qui est proche du sens étymologique : « Rendre grâce ». Dans la gratitude, coexistent la notion de dette et celle de partage.

« Dire à quelqu’un : voilà ce que tu m’as permis de faire, voilà ce que grâce à toi j’ai appris, c’est une façon de partager ce moment, cette joie, ce bonheur, cet élan. »

Le livre débute sur un paradoxe : le mot merci est celui qu’on emploie le plus souvent dans une journée. Or, nous avons plus de mal aujourd’hui à nommer les choses, nous sommes méfiants vis-à-vis des sentiments qui nous habitent.

Exprimer sa gratitude c’est accepter l’idée qu’on est vulnérable, l’idée qu’on a besoin de l’autre, qu’on ne fait rien sans l’autre.”

Dans l’entreprise, la gratitude est un cadeau précieux mais rare.

bien être au travail

Lettres à Nour de Rachid Benzine

Il nous faut créer des ponts et pas des murs. On ne se sécurise pas dans une forteresse : on y meurt assiégé. (…) Le seul destin d’un mur, c’est l’effondrement. De lui-même et de tout ce qu’il était censé préserver. La culture est un pont. Elle permet, par le partage d’émotions, de franchir les frontières symboliques et physiques, de dire combien nous sommes profondément les « mêmes » dans notre humanité. (…) L’imaginaire, les arts, la littérature, la musique, la poésie, l’humour… tout cela nourrit l’amour pour l’humain et le doute, ce doute qui éloigne des certitudes qui mangent les humains.

Hannah ARENDT – L’importance politique de l’amitié

« Nous avons coutume aujourd’hui de ne voir dans l’amitié qu’un phénomène de l’intimité, où les amis s’ouvrent leur âme sans tenir compte du monde et de ses exigences. Rousseau, et non Lessing, est le meilleur représentant de cette conception conforme à l’aliénation de l’individu moderne qui ne peut se révéler vraiment qu’à l’écart de toute vie publique, dans l’intimité et le face à face. Ainsi nous est-il difficile de comprendre l’importance politique de l’amitié. Lorsque, par exemple, nous lisons chez Aristote que la philia, l’amitié entre citoyens, est l’une des conditions fondamentales du bien-être commun, nous avons tendance à croire qu’il parle seulement de l’absence de factions et de guerre civile au sein de la cité. Mais pour les Grecs, l’essence de l’amitié consistait dans le discours. Ils soutenaient que seul un “parler-ensemble” constant unissait les citoyens en une polir. Avec le dialogue se manifeste l’importance politique de l’amitié, et de son humanité propre. Le dialogue (à la différence des conversations intimes où les âmes individuelles parlent d’elles-mêmes), si imprégné qu’il puisse être du plaisir pris à la présence de l’ami, se soucie du monde commun, qui reste “inhumain” en un sens très littéral, tant que des hommes n’en débattent pas constamment. Car le monde n’est pas humain pour avoir été fait par des hommes, et il ne devient pas humain parce que la voix humaine y résonne, mais seulement lorsqu’il est devenu objet de dialogue. Quelque intensément que les choses du monde nous affectent, quelque profondément qu’elles puissent nous émouvoir et nous stimuler, elles ne deviennent humaines pour nous qu’au moment où nous pouvons en débattre avec nos semblables. Tout ce qui ne peut devenir objet de dialogue peut bien être sublime, horrible ou mystérieux, voire trouver voix humaine à travers laquelle résonner dans le monde, mais ce n’est pas vraiment humain. Nous humanisons ce qui se passe dans le monde et en nous en en parlant, et, dans ce parler, nous apprenons à être humains.
Cette humanité qui se réalise dans les conversations de l’amitié, les Grecs l’appelaient philanthropia, “amour de l’homme”, parce qu’elle se manifeste en une disposition à partager le monde avec d’autres hommes. »

Hannah ARENDT, Vies politiques, Gallimard, Paris, 1974, pp. 34-35