Une femme active sur 5 affirme avoir été confrontée au harcèlement sexuel, seule 1 sur 3 ose en parler, 94% des plaintes sont classées sans suite. Comment prévenir le harcèlement sexuel en entreprise? Tout d’abord en considérant que chacun a un rôle à jouer.
Le terme « harcèlement » est issu du latin hirpex, à l’origine du mot herse, instrument d’agriculture munie de grosses pointes qui écorchent la terre.
L’intérêt d’une approche croisée du harcèlement sexuel
Plusieurs angles de vue sont pertinents pour aborder cette notion : philosophique, juridique, sociologique, historique, éthique. En effet, le harcèlement sexuel en entreprise questionne la notion de pouvoir, de subordination, de reconnaissance. C’est un sujet qui peut créer un malaise dans l’entreprise dans la mesure où il est clivant en générant potentiellement une opposition entre les salariés hommes /femmes, en opposant des victimes réelles ou potentielles et des « bourreaux ».
Mieux cerner le sujet permet d’interroger le seuil de tolérance de chaque individu, et celui de l’organisation.
Avant tout, le harcèlement sexuel s’apprécie dans un environnement, un contexte.
L’objectif est de libérer la parole, notamment des femmes qui sont concernées au premier titre, tout en cherchant à la canaliser de sorte que tous les intérêts (ceux de la personne victime de harcèlement sexuel ou de sexisme, de la personne accusée de sexisme, et de l’entreprise puissent être préservés.
Une inscription tardive du harcèlement sexuel dans la loi
Il a été consacré par le législateur seulement en 1992 comme un délit code pénal, avec une définition qui s’est avérée trop précise : le faisceau de preuves à apporter par la victime étant trop contraignant.
En 2002 le législateur modifie la définition pour en élargir le champ d’application. Cet élargissement vaut à l’article du code pénal d’être abrogé en Mai 2012 par le conseil constitutionnel considéré comme trop flou, ce qui crée un vide juridique jusqu’en Août 2012 qui consacre sa définition actuelle.
Les deux aspects de la définition du harcèlement sexuel en entreprise
L’article 222-33 du code pénal est repris par l’article L. 1153-1 du code du travail :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
- Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
- Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
En août 2016, il est créé une obligation pour l’employeur d’intégrer dans les mesures de prévention les questions de harcèlement sexuel et les agissements sexistes
L’Actu 2018 : le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, dit « harcèlement de rue » qui prévoit de créer une «amende pour outrage sexiste et sexuel »
Ce qui constitue un harcèlement sexuel en entreprise
Des propos, des blagues, des commentaire sur le physique, des gestes déplacés, des frottements, des envois de sms, email, images à caractère érotique, affichage d’images (écran ordinateur, calendrier..)… à connotation sexuelle : tout cela peut constituer des éléments relatifs au harcèlement sexuel en fonction du contexte et de l’environnement.
Le harcèlement sexuel a de plus des frontières ténues avec les agissements sexistes, les agressions sexuelles et la discrimination. Le lien entre ces différentes notions se fait soit sur l’aspect de l’atteinte à la dignité de la personne,
soit sur le caractère intimidant, offensant, hostile de la situation que cela crée.
Le sexisme est un risque psycho-social à part entière. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi définit l’agissement sexiste comme « tout agissement lié au sexe d’une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Au travail, le sexisme, et en particulier le sexisme ordinaire, se manifeste souvent de façon anodine. Vous trouverez ci dessous des exemples qui nous ont été rapportés par des salariés de nos clients chez qui nous sommes intervenus sur la diversité ou le harcèlement sexuel. Il peut aussi bien s’agir de surnoms (« ma petite », « ma cocotte », etc.), de stéréotypes négatifs (liés à la maternité par exemple), de « blagues » irrespectueuses ou déplacées (« Salut les ménopausées! »), (« Si vous n’étiez pas ma DRH, je vous donnerai bien un remède masculin pour votre mal de gorge« , de remarques sur le physique ou la tenue vestimentaire (« Dis donc, elle est courte ta jupe aujourd’hui ! Tu peux aller demander une augmentation »), que d’actes d’objectification (« J’espère que vous mettrez un décolleté pour l’inauguration »)
Prévenir le harcèlement sexuel en entreprise
Plusieurs actions peuvent permettre de prévenir le harcèlement sexuel en entreprise :
- inscrire ce risque dans le Règlement intérieur et le document unique
- sensibiliser les équipes de direction, les managers, l’équipe RH
- former les instances représentatives du personnel
- créer des échanges avec l’ensemble des salariés sous la forme de causerie, minute sécurité…
- formaliser la position de l’entreprise dans des campagnes de communication et documents internes
Pour aller plus loin
- TED X Gretchen Carlson « How we can end sexual harassment at work », Nov 2017
- France Culture : Forum « Sexe(s) et pouvoir(s) » émission enregistrée dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne
- L’érotisme, Georges Bataille
- Le 1 : Salaire, les femmes au rabais, n°189, Février 2018
- Philosophie Magazine : numéro de février 2018 peut on désirer sans dominer
- Défenseur des droits : campagne février 2018 « prévenir, alerter, réagir »
- Courrier international : n°1421 du 25 au 31 Janvier 2018 # Metoo, ce qui doit changer